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Les bons remèdes du Docteur Dandy.

Leçons de narration la claque McCarthy

Publié le 30 Octobre 2018 par Dr Dandy in littérature, conseils, MJ, théorie, inspiration, Jeux de rôles, jdr

Deuxième round pour nos leçons de narration afin de comprendre les approches littéraires d’un auteur et de voir comment nous pourrions nous les approprier dans nos parties de jdr.

L'œuvre de Cormac McCarthy est assez peu connue en France. Une poignée de livres reconnus dont deux adaptés au cinéma, brillamment mais pas assez pour marquer les esprits (No Country for old Men et La route). Pourtant le style McCarthy est immédiatement reconnaissable et on peut y trouver des choses très intéressantes sur la façon de narrer des événements. Un style bien particulier qui trouverait sa place dans nos parties de jdr comme l'univers de Millevaux (Inflorenza, Sombre, Arbre*), Americana d'Yno, Apocalypse World ou Within. Un style qui m’inspire aussi dans ma façon de maitriser Café Noir.

Examinons ensemble les spécificités du style McCarthy.

 

Un univers Crépusculaire.

Cela parait une évidence pour La Route, roman post-apocalyptique, mais l'œuvre de McCarthy est marquée par une ambiance de fin du monde où les personnages principaux représentent les derniers repères moraux (ou presque) alentour. Un ton résolument western où des hommes (des mâles, des « vrais ») se dressent face à l'adversité sans se faire d'illusions sur la réalité des choses. Cela fini souvent dans le sang et les bons sentiments sont souvent sacrifiés face au mur de la réalité. Même l'environnement prend des allures hostiles avec des grands espaces chauds et secs (No country for old men) et des paysages remplis de cendres dans La route.

En jeu/mode MJ: Amusez-vous à dépeindre des situations complexes, sans aucun manichéisme avec des choix moraux difficiles à faire tout en décrivant des scènes de western, rochers rougis par le soleil couchant et l'ombre qui s'allonge annonçant la nuit.

En jeu mode PJ: créez des personnages sur la brèche, loin d'être innocent et naïfs mais avec une dernière once de morale. A même de faire la différence une dernière fois, juste par principe, sans illusions sur la fin tristement sinistre qui les attend.

 

 

Un ton sec.

C'est la marque de son style qui se reconnait le plus facilement, une absence de développement dans les dialogues. Chaque mot prononcé par les personnages est simple et ciselé, sans compromis avec les attentes habituelles que nous pourrions avoir d'un ouvrage littéraire. Cela donne des échanges du type:

  • Tu crois que c'est par là? 
  • Ouais.
  • T'es sûr?
  • Non mais je pense que c'est par là.

Au début, on est un peu dérouté par cette sécheresse des dialogues mais très vite on comprend que ce n'est pas un manque d'imagination de l'auteur. C’est juste que ses personnages sont des taiseux ayant du mal à exprimer le fond de leur pensée. Des durs qui ne s’embarrassent pas de longs discours. Simple et diablement efficace.

En jeu: N’hésitez pas à jouer vos personnages simplement, avec une économie de mots quitte à avoir des dialogues simples mais percutants. Pesez chaque mot et donnez-leur du sens.

 

The point is there ain’t no point.

 

Mais aussi des éclairs de lyrisme.

Avec des échanges concis allant à l'essentiel on serait tenté de penser que l'écriture de McCarthy est faible et peu intéressante sur le plan littéraire. Ce serait oublier ses élans de lyrisme où l'auteur se pose un moment pour décrire des scènes ou détailler un monologue (parfois intérieur) d'une beauté lyrique époustouflante. Ses rares moments sont accentués justement par le ton très terre à terre du reste du texte.

En jeu/MJ: réservez vos descriptions pour des moments spéciaux, pas plus d'une ou deux par séance mais lâchez-vous sur les métaphores et les adjectifs grandiloquents. Faites que ce soit d'autant plus percutant que ce sera rare. 

En jeu PJ: vos personnages ne seront pas tout le temps des taiseux. Profitez d'un moment de calme pour vider votre sac, dire ce que vous avez sur le cœur, profondément et sans concession avec votre personnage. Si en plus il y a des métaphores puissantes…

des paysages grandioses

 

La bible chapitre Apocalypse.

Comme on l'a déjà vu, les œuvres de l'auteur ont un arrière-goût de fin du monde. Mais plus particulièrement d'apocalypse biblique tant la figure de Dieu est omniprésente. Les personnages font souvent référence à Dieu et à sa figure paternaliste. Pour rappeler qu'il est là, protecteur? Pas vraiment, plutôt pour annoncer sa non-existence voir le montrer comme un être cruel. 

En jeu: les figures divines sont tout le temps là pour donner du sens à notre existence. Démontrer ou discuter de celle de vos personnages ou de leurs croyances  peut être source de beaux moments de roleplay. MJ, utilisez aussi  des fanatiques agissant de manière folle au nom d'un être supérieur.

There is no God and we are his prophets.

Fraicheur de vivre!!!!

 

Le Diable est dans le détail.

Ce qui marque dans l'écriture de l'auteur c'est son souci du détail parfois à la limite du monomaniaque. On lit souvent des scènes entières où un personnage va dans la cuisine, sors un paquet de céréales, prends un bol dans le placard, verse les céréales dans le bol sur la table en formica, ouvre le frigo, verse le lait dans le bol et plante une cuillère dans le bol pour enfourner les céréales dans sa bouche. Beaucoup de détails qui paraissent futiles mais qui ont du sens. Mais c’est d’abord pour rappeler la futilité du quotidien et donner un sentiment de réel. Ensuite pour utiliser le fameux fusil de Tchekhov en indiquant des détails à priori anodin qui auront une importance capitale par la suite.

En jeu: attachez-vous aux détails, non pas pour ennuyer le monde mais pour donner du sens aux gestes de personnages, aux scènes du quotidien. Pas la peine de raconter votre petit déjeuner dans le détail. En revanche si ce petit déjeune anodin se déroule quelques instants après un violent combat et que votre chemise est tâchée de sang alors que vous engouffrez vos corn-flakes, cela en dit long sur votre personnage! Pour les MJ, utilisez cette technique pour y montrer subtilement des informations vitales, mais soyez vigilants sur les indices cruciaux que les joueurs pourraient rater!

 

L'Humanité droit dans les yeux... 

Si les décors et les personnages sont crépusculaires c'est que McCarthy a une vision bien pessimiste de l'humanité. Et chaque personnage est pour ainsi dire en nuances de gris, ni vraiment bon ni vraiment mauvais. Même le personnage du tueur dans No country for Old Men peut apparaitre sympathique par moment. Alors que c'est une vraie pourriture! McCarthy décrit une humanité sans fard, avec ses bons et ses mauvais penchants et ses morales parfois bien futiles.

En Jeu: les personnages ne sont pas lisses et ils ont de bonnes raisons d'agir comme ils le font. Sans doute que ce tueur en série n'est rien d'autres qu'une victime devenue bourreau! Et votre personnage de flic au grand cœur a peut être tué un gosse lors d'une patrouille. Il vit sans doute avec ce poids sur la conscience depuis le temps. Qui sait!

 

If the rule you followed brought you to this, of what use was the rule?

Une horreur bien ordinaire.

Certaines scènes des livres sont particulièrement difficiles mais, comme une sorte de pudeur, l'auteur ne montre que le strict minimum. Des cannibales? On ne voit que des gens entassés vivants dans une sorte de garde-manger. Un personnage meure sans aucune raison valable et totalement gratuite? Le tueur arrive, explique ses raisons et sort son pistolet. Des victimes innocentes, dommages collatéraux? On montre juste les cadavres. J'avais échangé une fois avec Johann Scipion qui m’expliquait que l’abondance de détails gore était peu efficace en jdr. Finalement ce qui compte c’est l’horreur situationnelle, quand le quotidien bascule dans l’horrible sans crier gare.

En jeu : laissez couler la sensation de familiarité, décrivez une situation à priori banale qui bascule soudain dans l’innommable. Pas besoin de rentrer dans le détail. Evidemment veillez à ne pas susciter de trop gros malaises par rapport à des situations trop dures.

When the lambs is lost in the mountain, he said. They is cry. Sometime come the mother. Sometime the wolf.

En espérant que cela vous servira, je vous dis à la prochaine!
ENJOY!!


*sérieusement! La route est clairement une partie d'Arbre avec le père et son fils en mode clochards magnifiques.

 

 

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